En France, 110 000 personnes sont touchées par la sclérose en plaques, une maladie inflammatoire auto-immune qui touche le système nerveux central. Dans sa BD « Le passager », Cyrielle Pisapia raconte comment elle a réussi à « apprivoiser » la maladie.
SCLÉROSE EN PLAQUES - À 27 ans, Cyrielle Pisapia ressent soudainement une paresthésie dans le bras droit, les premiers symptômes de la sclérose en plaques. Dans l’Hexagone, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), cette maladie auto-immune du système nerveux central toucherait environ 110 000 personnes. Les trois quarts sont des femmes.
Baisse de la vision, problèmes de concentration, engourdissements, fourmillements, fatigue extrême… Les premiers signes de la maladie sont variés. Ils apparaissent entre 20 et 40 ans sous forme de poussées. Avec Le passager, parue aux éditions Leduc, en octobre dernier, l’illustratrice revient sur son expérience, du diagnostic à l’acceptation en passant l’angoisse et les doutes provoqués par le manque d’informations puis l’annonce. Le livre est postfacé par Charlotte Tourmente, médecin généraliste et sexologue, elle aussi atteinte de SEP.
Le HuffPost : Quels ont été les premiers symptômes de la sclérose en plaques ?
Cyrielle Pisapia : Il faut savoir que la sclérose en plaques s’attaque à la myéline, c’est-à-dire à la fibre qui protège les neurones. Il s’agit d’une maladie auto-immune et dégénérative qui fonctionne par poussées plus ou moins intenses, selon les personnes et le stade. D’un individu à un autre, ces symptômes sont très différents. Lorsque ça a commencé, j’ai ressenti des fourmillements et des décharges électriques dans le dos, le long de la colonne vertébrale.
Lorsque les premiers symptômes de la SEP apparaissent brusquement, il y a 8 ans, quels sont vos premiers réflexes ?
Comme beaucoup de personnes, je ne savais pas de quoi il s’agissait. J’ai eu l’impression que c’était une maladie très grave. Le diagnostic est en général très long. En ce qui me concerne, ce délai a été raccourci car j’ai de la chance d’avoir des médecins dans la famille. Il s’est écoulé entre un et deux mois entre les premiers symptômes et le diagnostic, ce qui est très rare. Avant qu’il ne tombe, ça a été une période très stressante. J’ai fait la bêtise d’aller voir sur internet. En en associant les mots « fourmillements » et « décharges électriques dans le dos », je suis tombée sur cette maladie. J’ai cru que j’allais mourir. Il faut dire que j’en avais une fausse idée car j’avais entendu que quelqu’un de ma famille était décédé suite à une SEP. Ce n’était en fait pas le cas. Il avait juste la maladie. Pendant longtemps j’avais associé ces deux choses alors qu’en fait on n’en meurt pas. Certes, à terme, on peut être handicapé mais il y a aussi des gens qui vivent très longtemps avec des symptômes très légers.
Lors de l’annonce de la maladie, le rapport à l’entourage a changé. Certaines personnes se sont notamment effacées. Comment avez-vous vécu cela ?
Lorsqu’une personne est malade, elle peut vouloir qu’on ne leur en parle pas trop. Dans mon cas, j’aurais aimé que les gens viennent m’en parler. J’ai parfois eu l’impression que pour certains proches, ce n’était rien alors que ce n’était pas le cas. Ils demandaient des nouvelles à mon conjoint et s’inquiétaient pour moi, mais je n’en avais pas écho. C’était spécial comme période. J’ai perdu le contact avec des amis car ils ne savaient pas comment réagir. Je pensais qu’elles se coupaient de moi à cause de la maladie alors qu’elles aussi étaient en souffrance de leur côté. Si on en avait parlé, ça nous aurait fait du bien à toutes les deux. C’était important de l’évoquer dans la BD car quand on parle d’une maladie, on oublie de mentionner les proches qui se sentent parfois impuissants. Or, ils sont très importants. Ils nous permettent de nous sentir mieux et épaulés.
Vous finissez par accepter de vivre avec ce « passager ». Quel a été le processus vers la résilience ?
Je pense que mes deux grossesses m’ont permis de me tourner vers quelque chose de positif. Lorsque j’étais enceinte, je ne pensais plus à la maladie, d’autant plus que les symptômes avaient disparu. Ça ne s’est rappelé à moi qu’après l’accouchement. Cependant, avec l’arrivée de mes enfants, j’ai finalement été prise dans un quotidien très prenant ce qui m’a permis de passer un cap. Je me suis alors dit que je pouvais vivre avec et que finalement ça allait. Le fait d’en parler aux enfants a aussi beaucoup aidé. Quand mon fils aîné a commencé à grandir, j’ai tout de suite voulu lui en parler pour que ce ne soit pas quelque chose à annoncer un jour, d’un coup. En mettant des mots dessus, j’ai pu dédramatiser.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je vais bien. J’ai eu deux poussées espacées depuis le début et les symptômes ont disparu. La seule chose qui reste compliquée est le traitement qui revient toutes les semaines et qui me met K-O. C’est parfois difficile, surtout psychologiquement, car la piqûre est douloureuse. Il m’est même arrivé d’en avoir marre. Cependant, contrairement aux poussées, je peux anticiper. Je sais exactement comment ça se passe et comment gérer mon quotidien. Il y a plusieurs types de traitements en fonction de la gravité et de l’évolution de la maladie. Il est aujourd’hui possible de le choisir en discutant avec son médecin. En plus des piqûres en intra musculaire, il y a des comprimés à prendre tous les jours, par exemple. J’ai un traitement assez léger, de première ligne, qui permet de ralentir les poussées et la progression de la maladie de moitié. J’ai choisi la piqûre car, je ne voulais pas des comprimés. Ils sont plus lourds à gérer, en termes de charge mentale.
Que conseillerez-vous à une personne tout juste diagnostiquée ?
Je lui conseillerais d’en parler et de se renseigner auprès de médecins ou de personnes atteintes de sclérose en plaques. Ce qui m’a manqué, c’est d’avoir de vraies informations pour moins m’inquiéter. En discutant avec mon médecin, j’ai compris que ça n’était pas forcément très grave. Aujourd’hui on arrive à détecter cette maladie de plus en plus tôt donc dans la plupart des cas ça se passe très bien. Quand on pense à la sclérose en plaques, on imagine tout de suite une personne en fauteuil roulant. Mais c’est une maladie invisible : beaucoup de personnes vivent avec. Quand j’ai commencé à en parler autour de moi, je me suis d’ailleurs aperçue que beaucoup de personnes connaissent quelqu’un touché par la SEP.
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