Parlez-nous de votre parcours photographique…
Marie-Pierre Dieterlé : Mon grand-père était missionnaire au Cameroun dans les années 30 où il a fait beaucoup de photos. Je suis née là-bas. En grandissant, j’ai découvert son travail qui m’a beaucoup fasciné. Mon amour pour la photo - que je pratique depuis plus de 15 ans - vient donc de mon histoire personnelle. J’ai une fascination pour ce que la photographie peut raconter et garder en mémoire. J’ai réellement commencé à pratiquer la photographie en retournant au Cameroun, pays où je suis née, grâce à une bourse Défi-Jeune en 1996. Là-bas j’ai réalisé un certain nombre d’images en noir et blanc, en argentique. J’ai aussi travaillé pour la presse (Marie Claire, Témoignage Chrétien…) tout en réalisant en parallèle des projets plus personnels comme celui sur les Tziganes de la région parisienne ou « C’est quand demain », une série sur les femmes sans domicile. Ce travail a fait l’objet d’un livre paru aux éditions Trans Photographic Press. En 2009, j’ai aussi commencé à réaliser des ateliers photo à Ivry-sur-Seine, en bas de la Cité Gagarine dans le cadre de l’animation de quartier.
Marie-Pierre Dieterlé : Mon grand-père était missionnaire au Cameroun dans les années 30 où il a fait beaucoup de photos. Je suis née là-bas. En grandissant, j’ai découvert son travail qui m’a beaucoup fasciné. Mon amour pour la photo - que je pratique depuis plus de 15 ans - vient donc de mon histoire personnelle. J’ai une fascination pour ce que la photographie peut raconter et garder en mémoire. J’ai réellement commencé à pratiquer la photographie en retournant au Cameroun, pays où je suis née, grâce à une bourse Défi-Jeune en 1996. Là-bas j’ai réalisé un certain nombre d’images en noir et blanc, en argentique. J’ai aussi travaillé pour la presse (Marie Claire, Témoignage Chrétien…) tout en réalisant en parallèle des projets plus personnels comme celui sur les Tziganes de la région parisienne ou « C’est quand demain », une série sur les femmes sans domicile. Ce travail a fait l’objet d’un livre paru aux éditions Trans Photographic Press. En 2009, j’ai aussi commencé à réaliser des ateliers photo à Ivry-sur-Seine, en bas de la Cité Gagarine dans le cadre de l’animation de quartier.
Est-ce la genèse du projet La Cité Gagarine sur le départ actuellement présenté au Festival du Regard ?
M-P Dieterlé : C’est en 2016 que j’ai vraiment réalisé que la cité allait disparaître. J’ai alors proposé à la ville un projet artistique avec les habitants par le biais d’ateliers photo. Les photos réalisées ont d’ailleurs été accrochées sur l’immeuble en grand format. J’ai tout de suite eu beaucoup d’affinité avec ce lieu chargé d’histoire et les personnages singuliers que j’ai rencontrés. Gagarine, c’est la banlieue rouge, un lieu emblématique à Ivry où en 1963, Gagarine y a planté un arbre. C’est symboliquement assez fort. J’ai alors eu envie de garder une trace de ce lieu destiné à disparaître et de ses habitants. Car la Cité Gagarine illustre bien l’évolution et l’histoire de la banlieue. Je voulais garder des témoignages – j’ai aussi réalisé des enregistrements vidéo – qui deviendront plus tard des archives.
Quelle est l’histoire de ce lieu ?
M-P Dieterlé : La cité Gagarine a été inaugurée en 1963 par Youri Gagarine en présence de Maurice Thorez. À l’époque, un grand nombre de locataires issus de logements insalubres étaient relogées dans ce lieu pour commencer une nouvelle vie. J’ai par exemple interviewé la fille d’une dame âgée, d’origine kabyle, qui me racontait qu’elle se souviendrait toujours de son arrivée dans la cité. Elle était alors enfant et elle et sa famille passaient d’un petit logement où ils vivaient entassés, avec les toilettes sur le palier, sans eau chaude, à Gagarine dans un F5 avec de la place, une douche et surtout « un lit pour soi ». C’était l’époque industrielle, il y avait beaucoup de personnes de milieu ouvrier, souvent communistes, impliquées dans la vie associative. Il y avait un vrai esprit communautaire et des personnes très investies dans la vie de la cité. Au fil des années, comme pour beaucoup de cités, la population a progressivement changé. Des personnes, aux conditions plus précaires, avec d’autres problématiques de vie, sont arrivées. Moins impliquées dans la vie locale, le lien social était donc moins présent. La cité Gagarine a été classée en Zone d’éducation prioritaire (ZEP). Et la barre d’immeuble ne correspondait plus aux normes actuelles (mauvais isolement thermique et sonore, insalubrités...). Comme la réhabilitation coûte très cher, et par manque de financement, il a été décidé que les immeubles seraient détruits au profit de la création d’un nouveau quartier dans le cadre du Grand Paris. Les habitants ont donc commencé à être relogés.
M-P Dieterlé : La cité Gagarine a été inaugurée en 1963 par Youri Gagarine en présence de Maurice Thorez. À l’époque, un grand nombre de locataires issus de logements insalubres étaient relogées dans ce lieu pour commencer une nouvelle vie. J’ai par exemple interviewé la fille d’une dame âgée, d’origine kabyle, qui me racontait qu’elle se souviendrait toujours de son arrivée dans la cité. Elle était alors enfant et elle et sa famille passaient d’un petit logement où ils vivaient entassés, avec les toilettes sur le palier, sans eau chaude, à Gagarine dans un F5 avec de la place, une douche et surtout « un lit pour soi ». C’était l’époque industrielle, il y avait beaucoup de personnes de milieu ouvrier, souvent communistes, impliquées dans la vie associative. Il y avait un vrai esprit communautaire et des personnes très investies dans la vie de la cité. Au fil des années, comme pour beaucoup de cités, la population a progressivement changé. Des personnes, aux conditions plus précaires, avec d’autres problématiques de vie, sont arrivées. Moins impliquées dans la vie locale, le lien social était donc moins présent. La cité Gagarine a été classée en Zone d’éducation prioritaire (ZEP). Et la barre d’immeuble ne correspondait plus aux normes actuelles (mauvais isolement thermique et sonore, insalubrités...). Comme la réhabilitation coûte très cher, et par manque de financement, il a été décidé que les immeubles seraient détruits au profit de la création d’un nouveau quartier dans le cadre du Grand Paris. Les habitants ont donc commencé à être relogés.
Quel est le profil de ces derniers habitants ?
M-P Dieterlé : Comme j’ai documenté la dernière année, j’ai surtout suivi des personnes âgées ou seules, les personnes ayant de jeunes enfants ont été relogées dans un premier temps. J’ai notamment rencontré un couple dont le père du mari avait été fusillé par les Allemands. Une rue porte d’ailleurs son nom à Ivry : la rue Marcel Hartmann. J’ai photographié le cendrier avec la faucille et le marteau que les parents avaient caché aux yeux des Allemands. Il y a donc des personnes dont l’histoire est liée au communisme et à la résistance de la Seconde guerre mondiale. J’ai aussi rencontré une femme d’origine algérienne dont le père a été tué par les Français durant la Guerre d’Algérie. Ce qui est intéressant avec ces histoires individuelles c’est qu’elles parlent aussi de l’Histoire de la France.
M-P Dieterlé : Comme j’ai documenté la dernière année, j’ai surtout suivi des personnes âgées ou seules, les personnes ayant de jeunes enfants ont été relogées dans un premier temps. J’ai notamment rencontré un couple dont le père du mari avait été fusillé par les Allemands. Une rue porte d’ailleurs son nom à Ivry : la rue Marcel Hartmann. J’ai photographié le cendrier avec la faucille et le marteau que les parents avaient caché aux yeux des Allemands. Il y a donc des personnes dont l’histoire est liée au communisme et à la résistance de la Seconde guerre mondiale. J’ai aussi rencontré une femme d’origine algérienne dont le père a été tué par les Français durant la Guerre d’Algérie. Ce qui est intéressant avec ces histoires individuelles c’est qu’elles parlent aussi de l’Histoire de la France.
Quel est le ressenti à l’aube de leurs départs ?
M-P Dieterlé : Pour la majorité ce départ de la cité est très dur. Quitter Gagarine, c’est quitter des souvenirs, mais surtout un lieu où ils ont vécu des moments forts de leurs vies que ce soit des mariages ou la naissance de leurs enfants. C’est donc à contrecœur qu’ils partent. Même pour ceux qui ont des souvenirs douloureux. Je pense notamment à cette dame dont le fils de 20 ans a été tué lors d’une rixe au pied de son immeuble. Elle m’a confié qu’en quittant Gagarine, elle abandonnait une deuxième fois son fils ce qui est extrêmement touchant.
M-P Dieterlé : Pour la majorité ce départ de la cité est très dur. Quitter Gagarine, c’est quitter des souvenirs, mais surtout un lieu où ils ont vécu des moments forts de leurs vies que ce soit des mariages ou la naissance de leurs enfants. C’est donc à contrecœur qu’ils partent. Même pour ceux qui ont des souvenirs douloureux. Je pense notamment à cette dame dont le fils de 20 ans a été tué lors d’une rixe au pied de son immeuble. Elle m’a confié qu’en quittant Gagarine, elle abandonnait une deuxième fois son fils ce qui est extrêmement touchant.
Que va-t-il advenir de ce lieu ?
M-P Dieterlé : L’immeuble appartenait à l’OPH de la ville d’Ivry qui l’a cédé au Grand Paris. Un écoquartier avec de nouvelles constructions va donc voir le jour. Le risque est le phénomène de gentrification avec peu d’anciens habitants qui pourront revenir. Il restera seulement 30% de logements sociaux. De nouveaux types de commerces vont aussi émerger. La volonté actuelle est d’encourager la mixité sociale.
M-P Dieterlé : L’immeuble appartenait à l’OPH de la ville d’Ivry qui l’a cédé au Grand Paris. Un écoquartier avec de nouvelles constructions va donc voir le jour. Le risque est le phénomène de gentrification avec peu d’anciens habitants qui pourront revenir. Il restera seulement 30% de logements sociaux. De nouveaux types de commerces vont aussi émerger. La volonté actuelle est d’encourager la mixité sociale.
Quels sont vos projets ?
M-P Dieterlé : Je réalise actuellement une série de portraits dans une cité de Malakoff, à la demande de la ville. En parallèle, je continue de photographier la Cité Gagarine jusqu’à sa disparition en 2020.